Cette très belle huile sur toile de grand format représente le thème de la Vénus au miroir. Elle reprend la composition du tableau de Titien réalisé en 1555 et conservé aujourd’hui à la National gallery of Art de Washington. Sur la gauche, Vénus est représentée nue, le corps partiellement couvert d’un manteau. Ses cheveux sont nattés en chignon et sa tête se tourne en direction d’un miroir. Ce dernier est tenu par son fils, Cupidon, reconnaissable par ses attributs, les flèches et les ailes. La position des mains de Vénus fait référence à la Venus pudica , iconographie tirée du modèle de la Vénus de Médicis, sculpture grecque réalisée au I er siècle avant J.-C. La déesse est représentée surprise à sa sortie de l’eau et tente de cacher ses parties intimes. Très populaire à l’époque moderne, la Venus pudica est l’un des thèmes antiques les plus appréciés des artistes et de leurs ateliers et permet de célébrer la beauté idéale de la femme. Ce choix iconographique apporte érotisme et sensualité à la composition.
Le thème du miroir est également très apprécié par les artistes, spécifiquement à Venise qui à l’époque de Titien, Véronèse et Tintoret devient la ville des reflets jusque dans sa production picturale.

Fascinés par les oeuvres des flamands comme Jan Van Eyck, les peintres italiens reprennent cet outil non plus seulement pour donner un nouvel angle de vue aux spectateurs mais afin de focaliser leur regard sur le sujet. Le miroir utilisé dans les compositions apparaît alors comme un outil qui révèle l’envers du tableau et dévoile ce qui est soustrait à notre oeil. Ce jeu avec le reflet permet également un travail sur l’éclat. Titien pare sa Vénus de bijoux et d’un manteau aux riches broderies qui apportent à l’ensemble une certaine préciosité.

Dans notre tableau, l’artiste a fait le choix de représenter sa Vénus avec certains de ces éléments comme la perle, symbole de sa création miraculeuse à partir de l’eau. Suite à une expertise réalisée par Monsieur René Millet, il nous est possible d’affirmer que l’oeuvre date de la première moitié du XVII e siècle et donc que le peintre serait un disciple de Titien et de l’école vénitienne. Néanmoins, bien qu’il ait choisi de respecter le modèle, l’artiste s’est adapté au goût de son temps et a épuré la composition. Le choix des couleurs en témoigne aussi : le colorito de l’école vénitienne est laissé pour une gamme de couleurs plus réduite et principalement dominée par des tons neutres et naturels. Seul le drap étendu à l’arrière-plan se distingue par sa couleur rouge. Ces caractéristiques rappellent celles des peintures caravagesques du début du XVII e siècle, d’autant plus que le peintre choisit d’utiliser des tons très foncés qui contrastent avec le blanc de la peau de Vénus créant un certain jeu d’ombre et de lumière rappelant le clarobscuro de Caravage.

Le tableau de Titien exposé à la National gallery of Art de Washington a servi de modèle à ses élèves qui ont réalisé de nombreuses variantes de ce thème. Parmi elles, un tableau exposé au musée des Beaux-Arts de Bordeaux intitulé la Toilette de Vénus avec un amour soutenant le miroir qui possède une composition identique à notre tableau. Les détails sont les mêmes, jusque dans l’image reflétée par le miroir.
Tandis que Titien se focalise sur le travail de la réflexion de la figure, ses deux suiveurs ont choisi de se concentrer sur le regard que la déesse se porte et dépeignent ainsi un moment de contemplation. Notre Vénus au miroir est donc un beau témoignage de la production artistique du début du XVII e siècle. L’artiste respecte la tradition en reprenant le modèle d’un grand maître qui s’est lui-même inspiré de l’antique. Il a toutefois su s’adapter au goût de son temps en reprenant certains éléments de la peinture caravagesque. Cette oeuvre présente la déesse sous un angle sensuel et érotique qu’elle-même découvre au travers de son reflet.

Venus au miroir – Italie – XVIIe siècle

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