Cet impressionnant portrait représente un gentilhomme en buste, vu de ¾ et regardant vers le spectateur. Portant un large chapeau et un manteau noir au col en fourrure, cet homme est probablement un marchant au vu de sa luxueuse tenue. Arborant une barbe fournie et des cheveux jusqu’aux épaules, cet homme se présente ici selon la mode italienne des deux premières décennies du XVIe siècle.
Les tons ocres qui dominent la composition mettent en valeur le teint rosé du visage du sujet ainsi que ses yeux bleus énigmatiques. Le regard intense du personnage et sa posture immobile mais sereine sont accentués par un coup de pinceaux doux, nuancé et maîtrisé ; ce qui donne à ce portrait un aspect fascinant et intriguant.
Véritable plaque tournante, carrefour commercial entre l’Orient et l’Occident : Venise est, au début du XVIe siècle, à son apogée culturel. Pourtant, les guerres et les épidémies de peste ancrent dans les esprits la trace sombre d’une vie éphémère et fragile. Sensibles à ces idées, les peintres vont jouer avec l’ombre et la lumière dans leurs compositions, pour ainsi nous présenter des oeuvres plus poétiques, nuancées et plus techniques. Ce jeu de clair-obscur devient une véritable tradition picturale, notamment vénitienne, et dont notre peintre est le digne représentant.
Jacopo Palma, de son vrai nom Jacomo Nigretti de Lavalle, nait dans une modeste famille de bergers à Serina (Bergame, Lombardie) vers 1480. Peu de choses sont connues sur le début de sa vie et sur sa formation : il est cité à Venise en 1510 où il a sans doute été apprenti. Il commence sa carrière dans le Quattrocento vénitien finissant et en tire quelques principes : les schémas de composition, les thèmes iconographiques et l’ordonnance des grandes compositions religieuses. Il apprend également beaucoup des grands maîtres vénitiens de son époque comme Vittore Carpaccio, Giovanni Bellini, Giorgione ou encore Titien qu’il fréquente. Palma se retrouve rapidement le peintre phare de Venise et à continuellement cherché à satisfaire des mécènes fortunés qui lui garantissaient réputation, revenus et commandes nombreuses. Son art évolue tout au long de sa carrière : s’il se concentre sur des sujets mythologiques et allégoriques de petites dimensions pendant sa jeunesse, les sujets sacrés et les grandes compositions deviennent la marque de sa maturité. Quant aux portraits, Palma en réalise pendant toute sa carrière pour répondre aux demandes de clients fortunés de la région. Il peint de nombreux portraits de belles jeunes filles blondes, jusqu’à créer un archétype physique de la beauté féminine vénitienne qui perdurera après sa mort. Palma était également connu pour modifier sa façon de peindre selon le commanditaire : pour un organisme religieux, il prenait un style purement vénitien avec une prééminence de la sainte famille et du fond paysagé ; tandis que pour les commandes privées, il mettait l’accent sur l’intimité, le naturalisme et le clair-obscur, reflet de la mortalité et de l’imperfection des sujets.
Aujourd’hui nombreuses sont ses oeuvres qui ont été attribuées à d’autres au cours des siècles (Giorgione, Titien ou Palma le Jeune). Mais le catalogue de ses oeuvres s’est enrichi depuis quelques décennies, à mesures de nouvelles attributions et d’études plus poussées de son style. Sa technique plastique, sa maîtrise du contrapposto, une palette de couleur riche et intense, un répertoire de personnages diversifié tout en respectant les constructions classiques ; toutes ces qualités ont dominé son travail et fond de Palma l’Ancien une figure majeure de la peinture de la Haute Renaissance italienne.
L’attribution de notre toile a été confirmée après examen individuel et indépendant, par Mauro Lucco (Historien de l’art médiéviste et moderniste, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Bologne, et commissaire dans d’importantes expositions en Italie et à l’étranger) et par Paul Joannides (Professeur d’histoire de l’art à l’Université de Cambridge, spécialiste de l’art de la Renaissance italienne et de la peinture française, auteur d’ouvrages sur Titien, Masaccio et Raphaël).
Provenance : 1er Marquis de Donegall ; vente Christie’s Londres le 19/22 mars 1781 ; Collection Henry Doetsch (1839-1894), Londres ; Vente Christie’s Londres le 22 juin 1895, lot 35 (comme étant de Palma Vecchio) ; Vente Dorotheum Vienne le 18 octobre 2016 (Old Master Painting) ; puis collection particulière française.
Horaires
- Du lundi au samedi
- 10h00 - 13h00 | 14h00 - 19h00