Cette paire de bustes sculptés dans le marbre est l’œuvre d’un artiste italien du XVIIe siècle. La fin de la Renaissance ayant été marquée par le maniérisme aux compositions désordonnées et aux figures allongées, certains artistes cherchent à renouveler leur production. C’est la raison pour laquelle le baroque apparaît avec un goût pour le mouvement et la dramatisation. Il y a également la volonté, chez d’autres artistes, de revenir à des formes pures, plus proches d’un esprit classique, à l’antique. Cette mouvance trouve son origine à Rome, dès la fin du XVIe siècle, auprès du peintre Annibal Carrache qui recommande à ses élèves d’étudier l’Antiquité, les grands maîtres de la Renaissance et la nature.
Nos deux bambins sont emprunts de ce classicisme romain avec des positions all’antica et des visages idéalisés avec des yeux sans pupille. Le travail du marbre, notamment dans les chevelures, suggère l’utilisation du trépan. Cette technique est utilisée en sculpture afin d’atteindre des renfoncements, dégager des parties difficiles d’accès et dégrossir des gorges de faible diamètre en formant des cavités cylindriques. Il se veut être un outil lent mais précis et il est destiné aux endroits très fragiles et à des matériaux durs comme le bois, la pierre et le marbre. Utilisée durant l’Antiquité, la technique du trépan vient ici renforcer le classicisme des deux bustes. Elle permet également d’apporter mouvement et profondeur à l’ensemble.
La bouche légèrement entrouverte et le travail réalisé sur le chignon du buste féminin nous rappelle le Buste de Costanza Bonarelli du sculpteur italien Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin. Notre sculpteur reprend le modèle de cette coiffure au chignon natté et légèrement décoiffé qui laisse s’échapper une mèche de cheveux sur la nuque. Ce chef-d’œuvre du milieu du XVIIe siècle représente la maîtresse de l’artiste, surprise lors d’un moment de pure intimité.
Si nous tenons compte de cette intimité et du goût certain pour l’Antiquité, il est possible d’imaginer que nos deux bustes figurent Eros et Psyché. Selon le mythe, Psyché est une princesse d’une beauté telle qu’elle éveille la jalousie d’Aphrodite. La déesse demande alors à son fils Eros de se débarrasser d’elle : à l’aide d’une de ses flèches qui prodiguent l’amour, Éros doit lier la princesse à l’être le plus vil qui soit. En maniant son arc, Eros se blesse avec ladite flèche et tombe éperdument amoureux de Psyché. Pendant ce temps, la princesse cherche désespérément à se marier et décide de consulter l’oracle de Delphes. Selon la prophétie, elle serait destinée à être abandonnée en haut d’une colline en attendant qu’une créature monstrueuse ne vienne la chercher pour l’épouser. Lorsque ce jour arrive, le monstre s’approche de Psyché qui est sauvée par le Zéphyr, vent qui l’emmène dans un palais inconnu. Ce lieu n’est autre que la propriété d’Eros qui, pour se protéger d’Aphrodite, cache son identité à Psyché et lui interdit de le regarder. Alors que les deux amants écoulent des jours heureux, les sœurs de Psyché s’en mêlent et cherchent à découvrir le visage de ce mystérieux personnage qu’elles pensent être monstrueux. Elles éveillent alors la curiosité de Psyché qui décide d’aller observer son amant dans son sommeil. Malheureusement, Eros se réveille et honteuse, Psyché s’enfuit. Séparés, ils connaissent le sort d’Aphrodite qui séquestre Eros tout en contraignant quiconque à ne pas accueillir Psyché chez lui. Elle vit de nombreuses épreuves et reçoit de Perséphone la crème de son inaltérable beauté, censée faire revenir l’être aimé. En inhalant son arôme, Psyché tombe dans un profond sommeil. Heureusement Eros finit par s’échapper et la ranime. Ils finissent par s’épouser sur le mont Olympe et donnent naissance à Hédoné, déesse du Plaisir.  
Le thème d’Eros a été repris au XVIIe siècle par le sculpteur flamand François Duquesnoy. Surnommé il Fattore di Putti, les sculptures de cet artiste de grande renommée ont fortement inspiré la production de ses élèves. C’est notamment le cas de Josse le Court, élève de Duquesnoy, qui réalisé vers 1670 une Tête de bambin dont le thème et l’exécution nous rappellent nos deux bustes.
Notre paire de bambins s’inscrit donc dans la production de sculpture du XVIIe siècle. Le sculpteur de ces bustes a su reprendre les modèles des grands artistes de son temps et propose deux très belles pièces qui allient tradition et une maîtrise certaine des techniques de la taille de marbre.

Paire de bambins en marbre – Italie – XVIIe siècle

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